Bon, ce titre est volontairement putassier, si avec ça je ne fais pas une audience de malade, je comprends pas. A la limite il faudrait que je trouve un moyen de rajouter « chaton » dans l’intitulé, ou créer un listing et prétendre que le cinquième point va vous épater.

BREF, pardon pour le piège à clic. Évidemment j’adore recevoir de gentils compliments, et savoir que je plais. Le plus souvent. Nan mais bien sûr. J’aimerai cependant faire un petit focus sur ces réactions qui au lieu d’améliorer ta journée te renvoient à ta condition de sous-genre au pouvoir limité. Avant de le faire, je vais répéter encore un coup que vous pouvez dire pleins de trucs sympas à une fille sans vous faire défoncer la gueule pour autant, et que je ne compte pas initier une croisade anti-homme. A aucun moment. J’aime beaucoup des hommes, ce sont des humains comme les autres à mes yeux 😀

 

Pourquoi les compliments qu’on fait ne sont pas anodins

Je pense que ce qu’on valorise chez une personne, notamment dans son jeune âge, conditionne la personne qu’elle va vouloir devenir, et je ne souhaite pas encourager qui que ce soit à se contenter de son apparence pour avancer dans la vie.

Quel est le premier compliment qu’on fait pourtant à un enfant qu’on croise ? Si c’est un petit garçon, il y a de grandes chances que ce soit « comme tu es grand !  » (ou une variante telle que fort, ou  rapide à la course), et si c’est une petite fille « que tu es jolie ! » (ou une variante). Machinalement, on ne se pose même pas la question, et je doute qu’il y ai une intention derrière, à part tirer un sourire à cet petit être humain en face de nous, souvent la progéniture d’un ami, d’un collègue,  ou votre propre neveu ou nièce. Vous je ne sais pas, mais moi ça fait un moment que je me suis mise à me surveiller et à arrêter de dire aux petites filles que je croise à quel point elles sont jolies. Je préfère Courageuse, intelligente, gentille ou drôle. A la limite je les complimente sur leur sens du style, en visant si possible un de leurs accessoires qui ne soit pas rose. Parce que je lutte sournoisement contre les uniformes roses et bleus.

Y’a une vidéo qui est rigolote et qui en parle pas mal.

Voilà voilà. pardon pour les nombreux gros mots. Le seul truc dommage c’est que cette vidéo serve à vendre des t-shirts en fait, mais son contenu éducatif n’en est pas moins super cool. Enfin super déprimant, mais expliqué de façon très cool.

 

Mais les modèles non plus, faut pas leur dire qu’elles sont belles ?

« Bon d’accord Marie-Anne, on peut admettre que c’est un peu patriarcal de mettre le focus sur le physique des femmes au lieu de leurs compétences, mais tu fais des photos érotiques quand même. T’as pas l’impression d’abuser un peu en demandant aux gens de ne pas mater tes boobs ? »

Trop pas mes amours, vous avez la permission de regarder tant que vous voulez, c’est en effet en plein dans le sujet. Merci de le signaler. Liquidons cependant un truc : je ne pense pas que ma compétence se situe dans mon corps. Comme en témoigne si bien le travail de Gracie Hagen « Illusions of the body » , le même corps, selon la façon dont il est représenté, peut occuper toute une fourchette d’emplacements sur le spectre du beau/laid.  Et ici j’oppose beau ou laid avec une certaine réserve, mais dans ce cas précis où je parle de donner son opinion sur le corps des autres, je pense que ce spectre « beau/pas beau » et le nuage de jugements et de quantifications qu’il amène est aussi pertinent qu’il est désagréable.

Quand même, regardez comme c’est troublant :

Illusions-of-the-body-feel-desain-Gracie-Hagen15
Donc là, si vous êtes comme moi, vous trouvez peut-être que finalement, c’est pas tant le corps qu’on a que ce qu’on en fait qui joue.

En conséquence, en tout cas en ce qui me concerne, je pense que commenter le travail d’un modèle en lui parlant de l’opinion que vous avez de ses seins, sa silhouette, son visage ou ses cheveux est une mauvaise réponse. Si le modèle en question est un poil expérimentée, elle a appris a croiser les jambes, à étirer son cou, à exprimer des choses avec ses yeux, ses mains, sa bouche. A prendre un air renfermé sans se recroqueviller. A ouvrir grand les yeux sans avoir l’air d’un lapin devant les phares d’une voiture. La nana doit apprendre à avoir l’air naturelle même assise en équilibre sur une surface franchement inconfortable ou immergée dans un lac jusqu’au cou. Vous croyez que la photo de boudoir fait exception ? Je me suis fait des courbatures de folies parce qu’avoir l’air détendue sur un lit de coussins sans pour autant s’affaler dessus avec un air de cachalot échoué demande de contracter à peu près tout ce qu’on peut contracter, sauf le visage, donc. Vous pouvez essayer chez vous, c’est drôle.

En plus, souvent je suis la fille qui a pris la photo. Là on triple les opportunités de me gonfler, puisque choisir de me dire « superbes courbes » au lieu de « je kiffe ta compo », c’est ignorer aussi le travail de mise en scène, de prise de vue et de retouche. Merci, dude.

 

Est-ce seulement approprié ?

Je ne tiens pas à verser dans la théorie du complot, mais des fois j’ai même l’impression que mettre l’accent sur le physique d’une femme au lieu du reste relève d’un mécanisme volontairement condescendant. Une façon insidieuse de te faire savoir que quel que soit la somme d’efforts que tu investis, tu seras jugée à la fin sur ton IMC, la symétrie de tes traits et la taille de ton bonnet. Vous les avez vus passer, lorsque Claire Chasal a quitté le 20h, les nombreux dossiers destinés à ses looks les plus mémorables ? Non parce qu’elle a eu une longue carrière mais n’oublions pas qu’elle est avant tout décorative, hein.

Du coup, méfiante que je suis, je reçoit plus volontiers les compliments portant sur mon corps de la part de gens avec qui j’ai déjà établis des liens, même infimes. J’ai alors le sentiment qu’ils ne sont désarmés, une simple façon de souligner une chose qui a attiré leur attention, avant de reprendre le cours de notre relation, qui doit forcément se baser sur autre chose que la somme de mes traits.

Un peu comme ça, oui
Un peu comme ça, oui

En plus, j’ai toujours eu du mal avec les avis non sollicitées. Quand est-ce qu’on est en position d’en donner ? Quel qualification vous donne l’expertise nécessaire pour aller placarder votre opinion sur le corps des gens comme ça ? Je pense notamment à mes amies cosplayeurs et cosplayeuses, qui en entendent de toute sortes en convention. Et puis je vois quelque chose de condescendant dans les commentaires lâchés au hasard de la toile, que vient encore accentuer leur forme dénuée de sujet ou de verbe. Souvent ils se réduisent à une appréciation comme nos profs en laissaient sur nos copies. « Très bien !  » « Bravo ! » « Magnifiques courbes… »
Je ne serai pas surprise le jour où un de mes clichés m’attirera un commentaire type « AB pour le corps mais il reste des fautes. » Quand j’y pense ça me met profondément mal à l’aise, et je me demande toujours pourquoi et comment certaines personnes peuvent accorder autant d’importance à leur propre opinion qu’elles décident de vous l’imposer, placardée en vérité, sans même le détour d’un « je pense que » ou « a mon avis ». Mais passons.

 

Je m’intéresse à l’érotisme. Du corps,mais aussi du personnage, de la situation. Je compte explorer l’érotisme de ce qui est suggéré, parler de choses qui donnent envie alors qu’elles n’existent même pas. Dans cette exploration, mon corps est un outil au même titre que mon appareil. J’aimerai qu’on n’en fasse pas tout un plat. Je ne veux pas écrire la complainte de la fille jolie qui porte le lourd fardeau de sa perfection (la bonne blague ! ) mais signaler que peut être on rendrait le monde plus cool en valorisant ce qui le mérite, et en arrêtant de traiter les gens comme des objets qu’on peut noter. Nous ne sommes pas dans une exposition canine (enfin vous peut être, mais c’est peu probable), les gens n’ont pas besoin de savoir combien vous leur attribuez.

Vous avez lu cet article jusqu’au bout, je vous invite donc, si le cœur vous en dit, à mettre la main sur quelqu’un que vous appréciez et à célébrer une de ses qualités avec un mot gentil, ou toute autre façon qui vous semblera appropriée.

A très vite