J’ai une opinion assez arrêtée sur la Friendzone. Pour moi, c’est un peu comme le père Noel : une chose qui n’existe pas mais qu’une frange de la population continue de traiter comme réelle pour des raisons que je qualifierai de brumeuse (Mais bien sur, les motivations ne sont pas du tout les mêmes).

J’ai envie de revenir sur le sujet parce que samedi soir, j’étais aux Geek faeries On ze Web pour traiter de sexualité et de plein d’autres choses passionnantes, et que plusieurs questions du public ont abordé le sujet. Une phrase notamment a retenu toute mon attention : « telle amie m’a avoué plus tard qu’elle m’avait tout de suite mis dans la friendzone ».

Ha oui tiens, on ne parle pas assez des filles qui font ça disent faire ça. C’est vachement intéressant pourtant.

 

Définissons la Friendzone

Sur la carte du tendre, la Friendzone est cet endroit où on placerai une personne pour laquelle on ressent en proportions variables de l’amitié, de l’estime, de la confiance, mais pas de désir sexuel. Romantiquement, la friendzone, je considère qu’on y trouve les gens à qui on est indifférent. Du coup, je la place à proximité du lac d’indifférence, des villages de probité, de sincérité… et d’oubli.

carte du tendre

Il va sans dire que l’imaginaire collectif fait de cette région une espèce de terre désertique et silencieuse, solitaire, quoique si on se fie aux bruits qui courent, surpeuplée. Parce que les « victimes » sont nombreuses. Même Obama s’en mêle, c’est dire l’importance du phénomène.

Meme_Friend_Zone

Pardon, c’était beaucoup trop tentant.

Avant de parler du sujet qui m’intéresse, on va passer par un peu de sensibilisation globale.

 

Pourquoi c’est un paquet de bullshit fumantes, tout ça

La friendzone n’existe que dans une réalité déformée par le prisme que tiennent beaucoup trop de mâles cis, et qui fini malheureusement par obtenir une espèce d’autorité indiscutable de « tout le monde sait que ».

Quand on en entend parler, c’est qu’un jeune homme s’est fait éconduire malgré ses efforts de séduction souvent maladroits.

Alors déjà, permettez moi de vous dire de but en blanc que toute relation n’est pas par défaut une histoire d’amour qui demande à se concrétiser. En d’autre termes, le fait qu’une relation reste au stade de l’amitié (voire de l’indifférence) sans jamais se muer en intérêt romantique, est parfaitement normal. Je suis désolée, je sais que je brise un mythe tenace. Prenons en exemple vos collègues et amis, connaissances lointaines, ou même le livreur d’alloresto. Tout le monde. Vous les envisagez, de façon romantique? Alors pourquoi cette fille que vous trouvez désirable devrait-elle vous voir comme un prospect possible ?

Ce qui m’amène à une conclusion inévitable :

Célibataires frustrés, un peu d’attention : si une personne vous plait et que vous espérez pouvoir la séduire, la meilleure chose à faire c’est juste ça. La séduire. Je ne dis pas que c’est facile, mais conceptuellement c’est simple. Y’a pas d’arnaque, de secret, oubliez les pick up artists. N’y allez pas par quatre chemins, vous vous faites du mal ! Tenter d’entreprendre quelqu’un en devenant son ami(e) est une approche vaguement hypocrite, et qui va vous desservir dans une écrasante majorité des cas. Parce que quand vous faites tout pour devenir l’ami d’une personne, elle en conclura naturellement que vous voulez devenir… son ami(e) !

Même certains coach en séduction à l’idéologie un peu vaseuse l’ont compris.

En fait, cette personne (qui que ce soit) ne vous a pas foutu unilatéralement dans la friendzone, vous êtes devenus amis. Vous ne vouliez pas devenir ami avec, et ressentez de l’amertume vis à vis de cet être humain qui vous apprécie mais n’envisage pas de finir au lit avec vous? Hum… il faudra qu’on parle relations humaines un jour.

Mais qui sont ces jeunes hommes qui s’offusquent de ne pas obtenir en retour de leurs attentions l’intérêt qu’ils espèrent, et pourquoi diable s’en offusquent-ils ?

Pour avoir beaucoup eu cette conversation, je pense pouvoir dresser un petit portrait robot. On se rend compte assez vite que la personne (qui se croit) bloqué dans la friendzone est généralement assez jeune, respectueuse des autres, et un peu timide. Elle a donc du mal à manifester son intérêt, et opte souvent pour des marques d’affection qui sont plus de l’ordre de la sympathie que du flirt.

Pas étonnant que séduire lui soit difficile, il n’emploi pas le langage de la séduction. Tu veux des témoignages ? Madmoizelle en a. J’ai aussi lancé un appel aux copains et recçu ceci :

Ma relation avec la célèbre Friendzone:
Il fut un temps où je croyais résolument en son existence, où je m’y retrouvais fréquemment et y végétait un bon moment. J’étais jeune, timide, gros et certains qu’il suffirait que celle qui dansait dans mes fantasmes réalise quel homme bien j’étais à toujours m’occuper d’elle.
Je ne comprenais pas pourquoi elles étaient attirées par les connards et pourquoi ma dévotion n’était pas récompensée à sa juste valeur!
Ce que je ne savais pas à ce moment c’était que j’étais loin d’être un type bien et que cette friendzone j’étais le seul à la construire et à m’y jeter… je ne comprenais pas que j’étais le réel connard et alors que ces autres garçons que je critiquais avaient montré de l’honnêteté dans leur approche.
Une chose est certaine, jamais au grand jamais une seule de ces amitiés intéressées ne s’est un jour changé par magie en grand amour. Aucune de ces filles à qui je mentais ne s’est éveillée un matin pour réaliser combien j’étais le mec qui leur fallait… ça ne s’est jamais bien terminé et j’ai chaque fois fini par vomir leur nom, les insultant et leur reprochant… bah… de m’avoir cru!
C’est le pire quand j’y pense, cette haine qui me prenait quand, des semaines, des mois durant, je me frustrais chaque jour tout en continuant de tisser ce bon gros mensonge sur ma superbe amitié. La belle devenait la salope qui baisait tout le monde sauf moi, la garce qui m’utilisais, la catin que j’humiliais la nuit dans mes fantasmes. Et moi de me dire que j’étais le type bien.
Quand je repense à ces années de Friendzone que j’usais comme décorum de vie, je repense à de la frustration et aussi à combien j’étais infecte. J’idéalisais et transformais en objet chaque femme en simples porteuses de boobs avec qui devenir ami en espérant pouvoir les prendre en main, en bouche. Je me conformais à ce que je voyais, lisais, à cette projection du héro qui a en récompense la femme… et quel meilleur héro que cet ami *prince charmant*?
Evidemment tout ça est fini, en ouvrant les yeux sur ma propre hypocrisie j’ai aussi découvert qu’il suffisait d’être honnête avec ses envies pour les voir parfois se réaliser.
Ne pas avoir peur d’être franc, de se prendre un râteau (douloureux quelques instants comparés à des semaines d’auto-tortures) et surtout découvrir qu’une fois la question du rapport sentimental expulsé (ou partagé), bah on peut vraiment créer une relation d’égal à égal avec une fille. Les choses sont juste… claires.
Cette friendzone j’ai envie de dire qu’on se moque de son côté fictif (car elle l’est, nous sommes les seuls à lui donner vie en nous plongeant dedans)… le pire c’est qu’elle déforme tout, déforme votre vision, votre attitude, vos sentiments, vos attentes… elle vous dévore et plus elle vous consume, plus vous la renforcez. Elle n’apporte rien de positif et sous prétexte de la peur d’un rejet ponctuel on vie dans celui permanent et dans un espoir vain.

(Merci pour ton message, pour ton honnêteté brutale, pour ta capacité à prendre du recul. Je t’envoie des bisous d’amour et je suis super contente qu’on se revoie vite ! )

J’aurai tendance à compatir au sort de toute personne qui s’estime « bloquée dans la Friendzone » si je n’étais pas persuadée que le concept a pour seule utilité d’éviter de se remettre en question. Oui, j’ose le dire. « Je me suis fait friendzoner », c’est vachement plus simple à dire que « je m’y suis pris comme un pied ».
Et là je me permet de glisser un peu de sagesse féministe (houh ! le mot en F ! fuyez !) : quand vous êtes gentil avec une fille, elle ne vous doit rien en retour. Surtout pas de devenir votre copine. Croire que si vous sauvez la fille, elle fera forcément montre de gratitude en vous offrant du sexe ne fait pas de vous un sauveur, ça fait de vous un connard qui oublie complètement la notion de libre arbitre.

Cessons-ça, par pitié. Je veux croire que nous sommes assez intelligents pour dépasser cette vision très unilatérale des relations pour comprendre que les autres humains ne sont pas que des objets destinés à satisfaire nos désirs.

 

Mais alors pourquoi on y croit encore ?

La faute à l’assemblage implacable manque de recul + pop culture

Je l’ai déjà mentionné dans la paragraphe précédent, lorsqu’on manque de recul sur soi et qu’on est relativement nouveau dans les jeux de séduction, il est assez difficile de faire un effort d’auto-analyse, et d’empathie vis à vis des autres. Il est alors facile d’attribuer l’échec de notre entreprise à son objet, plutôt qu’aux moyens employés. Franchement, c’est compréhensible.
La pop culture s’est emparé du concept, qui a un petit burlesque, et hollywood nous abreuve de références à la friendzone. De façon parfois très drôle. Elle n’en a pas pour autant plus d’existence que celle qu’on veut bien lui donner.

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En fait ça, c’est limite de la science fiction, si on me demande. Mais c’est presque certainement de la connerie.

Pour un article super complet sur les gentils garçons qui ne trouvent pas de copine et pourquoi les filles préfèrent soi-disant les connards, c’est par ici : http://lesquestionscomposent.fr/toutes-des-salopes-ou-le-mythe-du-mec-trop-gentil/

Je pense qu’aborder la suite de cet article est vachement plus facile après la lecture de cet article, mais si vous êtes déjà un peu sensibles au sujet, vous pouvez foncer.

A cause des filles

On parle des filles qui utilisent le terme maintenant ? parce que j’en ai fait partie pendant un moment, et je n’en suis pas fière. Mais je voudrais faire quelque chose de positif en vous parlant de mon expérience, et de pourquoi j’ai été très conne.

Il ne faut pas oublier qu’à l’adolescence, ces demoiselles aussi sont en construction. Si j’épingle les personnes qui ne savent pas séduire, on pourrait en dire autant de ceux qui ne savent pas traiter un(e) soupirant(e) avec respect.

Il y a quelque chose d’assez malsain dans cette relation qui s’installe, où la personne qui cherche à séduire se rends en quelque sorte corvéable à merci en signe d’élection. Trop souvent, au lieu de reconnaître la situation pour ce qu’elle est (une tentative maladroite de conquérir son cœur) et d’y mettre fin,  la jeune fille a tendance à garder ce nouvel « ami » proche d’elle, trop heureuse d’être rassurée sur son pouvoir de séduction. Interrogée sur ce mâle qui la suis partout, elle invalidera les rumeurs avec l’évidence la plus puissante à sa disposition : Machin est dans la friendzone, elle ne le voit pas DU TOUT comme ça.

Elle pourrait faire preuve de discrétion, dire « on est amis » mais c’est sans compter sans la fierté puérile d’avoir des soupirants (de préférence soumis et prêts à tout). Dire « j’ai X mecs dans ma friendzone », c’est dire en sous-main « je suis tellement séduisante que tous ceux-ci sont à mes petits soins ».
Le stratagème est même super puissant puisqu’il reconnait les faits (quelqu’un fait en effet la cour à quelqu’un) et les présente sous un jour facile à comprendre pour tout le monde. Pré-mâchage intellectuel, régurgitation express.

N’oublions pas aussi que parfois, s’en remettre à un scénario préconçu est beaucoup plus simple que de donner ses vraies raisons. « je te vois comme un ami » passe beaucoup mieux que « je ne te trouve pas attirant ». Et je ne parle  pas (seulement) d’attirance physique, mais de cette alchimie compliquées de choses qui font qu’on s’envisage avec un de ses pairs.

Donc pour moi à ce stade, il y a deux choses à dire.

  • La gentillesse ne vous garantis pas un(e) partenaire. En fait rien ne le peut. Le fait est qu’on espère tous et tous que notre partenaire aura bon cœur, mais qu’on sortira d’abord avec quelqu’un qui nous donne envie, quitte à découvrir en cours de route que ça ne marche pas. Ne montez pas un bobard à quelqu’un comme quoi vous voulez créer une belle amitié si ça n’est pas le cas, ne vous montrez pas en public avec d’autres personnes dont vous n’avez rien à foutre si ce n’est pas le cas. Respectez-vous, respectez les autres.
  • N’entretenez pas les espoirs d’une personne qui ne vous inspire rien parce que le miroir de ses yeux vous renvoie une image flatteuse. Apprenez plutôt à vous aimer vous-même, ça marche mieux. Soyez discret au sujet des personnes que vous éconduisez, respectez vous, respectez les autres.

Voilà. Mon opinion n’engage que moi mais je me suis employée à m’excuser auprès des personnes auprès de qui je n’ai pas été correcte quand j’étais plus jeune. Si vous êtes passés entre les mailles du filet, pardon.

Si je peux me permettre un dernier retour d’expérience : je ne me suis jamais retrouvée en couple avec un ami. J’ai été amie avec des types que je trouvais très séduisants parce que le timing ne s’y prêtais pas, mais mon attirance pour eux leur a toujours conféré un statut à part. Souvent, ils le savaient. A la limite, on a pu désexualiser notre relation plus tard, mais mon expérience à moi m’incline à penser que c’est vachement plus facile de désexualiser une relation que de la sexualiser.
Ouais, sérieux.
Alors pourquoi prendre un faux départ, hein ?