Si vous ne connaissez pas déjà la pinup plus size Hilda, il est temps de prendre des cours de rattrapage.
J’ai pris un peu de recul avant d’écrire ce post, néanmoins je voulais vous parler du premier fat admirer déclaré à avoir atteint ma boite mail.
Un fat admirer (littéralement admirateur de gras) est un homme avec un préférence marquée pour les femmes rondes, voire très rondes. Et je dis ronde mais le terme semble moins cru en français que chez nos amis d’outre atlantique où fat = gras.
Voilà, pas de douce litote si française dans la tournure. On va droit au but avec cette expression-là.
C’est une communauté dont l’existence m’est connue depuis un moment, certains membres évoluent en effet de façon assez logique à la lisière des courants de body acceptance. Il y avait cependant dès le départ quelque chose qui me gênais dans le concept, mais j’ai tout de suite mis cette gêne sur le compte de ma propre étroitesse d’esprit. Or j’essaye de respecter les préférences et les fetish de tout le monde.
Et puis récemment un homme est venu très courtoisement me demander si mes images ne sont disponibles que sur mon site ou s’il est possible de se procurer des tirages. Pas de chance pour lui, il a été maladroit quasiment d’entrée de jeu.
Extrait : « Parce que je consulte souvent ta page et je commence à devenir carrément t fan de ce que tu fait, déjà parce que je suis un homme et que je ne peut résister à un charme tel que le tiens, que de deux il s’avère que je suis ce qu’on appel un F.A (je ne sais pas si tu connais ça ou pas) XD »
Comme d’habitude, j’ai essayé d’être pédagogue. Pour le bénéfice de ceux qui baillent dans le fond, ou qui viennent de nous rejoindre, voici ma réponse : La logique du « je suis un homme et que je ne peut résister à […] » est basée sur un prérequis que je ne valide pas, c’est qu’un homme ne peut pas se maitriser quand on en vient à ses instincts sexuels. Ce qui est à la foix faux, dégradant pour les hommes, et pas rassurant pour les femmes puisque l’effet pernicieux de telles affirmations, c’est d’entretenir un mythe qui dit que si un homme est lourd avec une nana, c’est sa faute à elle parce que lui peut pas s’empêcher. Ensuite, je ne kiffe pas des masses être ramenée à un critère physique, même si c’est un qui te plait.
Je crois qu’il est passé à côté de mon propos mais il s’est néanmoins excusé d’avoir été lourd, ce qui est déjà pas mal, et je lui en sais gré. Nous en sommes resté là.
…
Et puis non en fait. Loin de moi l’idée de me définir comme mince hein, ne déconnons pas. Cependant j’ai la faiblesse de croire que mon corps n’a rien de remarquable, à part peut être une poitrine plus forte que la moyenne. J’ai arrêté d’en vouloir à mon corps quand j’ai découvert que le 40 est la taille la plus vendue en France avec 20% du volume des ventes. Il se trouve que c’est ce que je prends pour mes jeans. Je me vois comme plutôt petite, ni grosse ni maigre, avec un visage assez quelconque quoique bien dessiné, de très beaux cheveux et de jolies jambes. Voilà. Il y a probablement des détails inutiles dans cette liste mais c’est important pour moi de la faire.
Alors, qu’est-ce que cet homme a vu chez moi ? Qui sont ces Fat admirer ? Qu’est-ce qui les attire ? J’ai été poser la question à internet.
Mais au fait, qui sont ces gens ?
J’ai lu plein de trucs mais il n’a pas fallu très longtemps pour que mon oeil soit attiré par des images. En voici une qui à l’avantage d’être mignonne, et de pas mal synthétiser ce que j’ai pu voir :
Parce que ce que j’ai vu principalement, c’est plutôt des mecs très fins, posant avec fierté près de leur large copine. J’ai parcouru des phrases comme « I can handle a big girl » (je suis de taille face à une grande fille), vu des images de mec aux anges qui disparaissaient littéralement sous leur copine, lis quelques contenus sur la pratique du « gavage », les confessions d’un fat admirer, plusieurs articles sur des sites comme ma-grande-taille… et je me suis arrêtée.
Au final, plus je me documente sur le sujet, plus j’ai l’impression que ce qui est apprécié chez les filles plus size, c’est qu’il y en a plus. Plus de seins, de fesses, de cuisses, de tendre et de moelleux. Apparament chez certains, cette recherche de « plus » ne semble pas aller sans un besoin de compenser autre chose de sous-jacent, cependant je m’abstiendrais d’en faire une généralité. Ce type de surenchère semble d’ailleurs n’être de mise que parmi une population assez réduite au sein du groupe déjà marginalisé de ceux qui préfèrent le moelleux.
Et les filles me direz-vous ? ca m’a fait plaisir de tomber sur deux posts plein de bon sens sur le forum de vive les rondes, en réponse à la question « que pensez-vous des fat admirer ? »
Les filles, je vous fait un gros bisou d’amour à toutes les deux. Vous m’avez aidé à mettre le doigt sur un truc : les fat admirer dont j’ai pu parcourir les témoignages et interviews semblent incapable de se projeter dans une relation avec une fille mince. J’ai vu l’un d’entre eux déclarer à la caméra que sa femme et lui ont divorcé quand elle a perdu 60 pounds, c’est à dire environ 30kg. C’était pourtant sa femme non ? Qu’il aimait assez pour passer le reste de ses jours avec ? … ou était-ce seulement pour et avec son gras qu’il a descendu l’allée ?
Et moi dans tout ça ?
Déjà, et ça me peine de l’admettre, je me suis sentie insultée. Dans mon système de valeur conscient il est évident pour moi qu’on accorde trop d’importance au poids des personnes et qu’on devrait s’abstenir de les juger dessus. D’autant que l’argument santé classique, qui joue sur une variante de « même pour lui/elle, ce doit être malsain, c’est pas possible qu’il aille bien en étant aussi gros » est erroné.
Je me rappelle avoir été très marqué par le billet d’une femme ronde qui avait été largement harcelée par son audience au sujet de son poids, et qui avait contré l’argument santé en postant carrément un bilan sanguin (impeccable). On lui a répondu que ce ne pouvais pas être elle. Elle a risposté de nouveau en postant une photo d’elle en train de danser, on l’a accusé de retouche. Elle a alors partagé une vidéo d’elle en train de danser en compétition (car oui, c’est une danseuse qui se produit en compétition), et là ses interlocuteurs se sont contentés de l’insulter copieusement.
Son propos, qui m’a beaucoup impressionné, c’est qu’elle va bien. Elle mène une vie épanouissante, elle ne se prive d’aucune activité en raison de son poids, et sa santé est impeccable. Et je la crois sur parole. Pour moi, tant que vous n’êtres pas le docteur de quelqu’un, vous devriez vous abstenir de faire une réflexion sur son poids.
Pourtant j’ai toujours vu ma mère se surveiller. J’ai lu les pages du supplément régime de l’été que tous les magazines féminins nous sortent tous les étés. Je suis persuadée au plus profonds de mon inconscient qu’un kilo de plus est un kilo de trop, et que je serai plus belle si j’étais plus mince. Ma famille valorise la minceur, et ne pas correspondre à leurs valeurs me fait encore du mal aujourd’hui.
Et maintenant je fais la gueule, comme à chaque fois que j’en viens à contempler le sujet.
Parce que je ne sais pas m’aimer comme je suis, parce que l’admiration maladroite de ce « fan » un peu lourdaud m’a renvoyé à ma plus grosse insécurité, parce que j’ai l’impression qu’il y a une volonté de contrôle des fat admirer sur leurs compagnes, et que les gens qui veulent exercer un contrôle sur le corps de leur compagne me font froid dans le dos. Quand ils les encouragent à prendre toujours plus de poids, j’ai l’impression qu’ils essayent d’en faire en quelque sorte leur création, de les forger selon leur désir au point de se les approprier.
Je fais la gueule parce que chez Zara la plus grande taille ne prévois pas assez de place ni pour ma poitrine, ni pour mes bras.
Quand mon mec me dis qu’il préfère les filles rondes, je lui réponds généralement qu’il est gentil mais que je ne vois pas ce qu’il me trouve pour autant.
Je me vois prise entre deux feux avec d’un côté l’exhortation à la minceur de toute une société, avec ma maman en porte-étendard, et de l’autre un groupuscule qui semble voir le corps de la femme comme un objet modulable et contrôlable, qu’on peut forger selon ses désirs. Est-ce si libérateur d’affirmer que la graisse, c’est bien aussi, si finalement on rejette l’idée de se laisser séduire par une fille mince ?
J’en ai marre, à en pleurer, de cette inversion des standars qu’on prends par erreur pour du progressisme. Taper sur les minces ne libère pas les grosses, ça fait juste mal aux minces. J’en ai ras le bol de lire que « les vraies femmes ont des formes », et quand Meghan Trainor chante « all about that bass » dans un clip où on se moque de la seule fille maigre, enroulée dans une parodie de robe en film alimentaire avec un air triste, je me dis qu’on a du chemin à faire, moi la première.
Heureusement je sais qu’il y a là dehors des gens qui sont vachement plus avancés que moi sur le sujet, et j’espère pouvoir continuer à profiter de leur exemple. J’ai déjà commencé à faire des efforts en arrêtant de rentrer frénétiquement le ventre pour mes images, c’est quelque chose.
PS : maman, si tu passe par là. Je sais que tu me trouve jolie quand même, que tu as tendance à t’appliquer à toi des exigences plus sévères que tu n’en applique aux autres, et que de toute façon tu m’aime comme je suis. J’aimerai que tu t’aime aussi tout pareil parce que tu es grave belle, et parce que tu le mérite, et parce que tu n’as pas de raison de ne pas le faire.