Le printemps est, et reste, la saison des amours. Je ne déroge pas à la règle puisque j’ai rencontré jeudi le prolongement de mon âme sensible, si tant est qu’une telle chose soit possible.

C’était une paire d’escarpins en cuir vernis à plateforme avec deux brides sur la cheville. Justement des comme ça je n’en ai pas. On a failli ne pas se rencontrer: elles étaient placées sur l’étagère du haut, et je suis définitivement destinée de par ma morphologie aux rayons du bas mais qu’importe, la personne qui m’accompagnait me les a très justement désignées. Et là ce fut le coup de foudre.

Notre première étreinte fut langoureuse et très romantique. J’ai pris le temps d’attacher délicatement les lanières et de contempler longuement la façon dont elles semblaient enlacer ma cheville avant de me lever et de faire quelques pas dans la boutique. La tension était palpable, la vendeuse ainsi que mon personal shopper observaient un silence de circonstance. C’était beau, c’était sexy, c’était monstrueux, le prix aussi était indécent. Pour me consoler j’ai focalisé comme une folle sur le cuir qui appuyait méchamment sur une phalange, la rendant légèrement inconfortable, avant d’effectuer une retraite stratégique.

Pendant les minutes qui suivirent je me rongeais compulsivement les ongles. Les chagrins d’amour sont toujours cruels.

Ca fait quatre jours maintenant que je n’arrête pas d’y penser et force est de constater que je préfère encore aller en Amérique du Sud me faire raboter l’articulation sur la place publique par un charlatan quelconque et risquer de choper toutes les infections de la terre que laisser passer cette paire de chaussures. Alors devinez ce que je fais demain?

J’y retourne, on me verra sans doute danser avec à la Fetish-in-Paris de ce week end et si je rentre chez moi en rampant mes chaussures à la main ca n’est pas grave, il n’y a pas de honte à perdre contre un adversaire aussi illustre.